Alexandre Polasek-Bourgougnon

Alexandre Polasek-Bourgougnon

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Comment vivez-vous le confinement ?

Le soir, après l'annonce du confinement, j'étais en mode “Walking Dead”. Les valises bouclées, la voiture parée avec le plein, de l'eau, des vivres, du papier-wc triple épaisseur et une machette bien aiguisée, prêt à assurer la survie de ma famille. Je voulais fuir la région parisienne où nous vivons actuellement et partir à la campagne. Mais pour aller où? Et pour combien de temps? Et surtout, ma femme, réquisitionnée pour son travail, ne pouvait pas partir avec nous... Nous nous sommes donc confinés dans notre appartement à Ville-d'Avray, une gentille banlieue située entre Versailles et la capitale. Notre appartement est au sixième étage d'une tour qui en compte dix. Une petite dizaine de bâtiments identiques, donjons modernes, composent la “résidence des Cèdres”, très chic, entourée d'arbres et de verdure, aux abords de la forêt de Fausses-reposes et des étangs de Corot. Finalement, le cadre n'est pas si mal. J'ai vidé la voiture, rangé la machette mais ma valise est toujours prête.

Les comportements nonchalants des gens au début du confinement m'ont fait peur alors nous avons limité nos sorties à la résidence. Mon fils peut s'y défouler un peu, faire du vélo ou jouer au foot et nous pouvons quand même sentir les effets de ce printemps singulier sur la nature qui nous entoure.

Le virus est bien présent dans le bâtiment, nous savons que des voisins ont été contaminés, heureusement, sans gravité. Nous sortons avec des gants et des masques et nous nous lavons soigneusement les mains en rentrant. La résidence emploie des personnes pour la gestion des poubelles, le nettoyage des locaux, des ascenseurs, des escaliers et nous avons la chance de pouvoir compter sur leur efficacité et leur bonne humeur. Tous les jours, tout est propre et désinfecté, avec le sourire. Je salue ici ces personnes qui oeuvrent aussi pour notre sécurité et notre moral.

Quel est votre état d’esprit ?

Au début, j'étais partagé entre réalité et fiction. Cette épidémie était-elle réelle? Etait-ce une vaste blague ? C'était ça le début de la fin, un virus ? Et puis, avec les mesures mises en place et l'évolution de la situation, la réalité a rattrapé la fiction. Il a fallu se faire à l'idée de combattre simplement ce virus en restant chez soi. Nous avons une petite maison en Corrèze, à la fois maison de vacances et atelier d'artiste, hélas pas encore habitable pour le moment, enfin, pour ma femme et mon fils. Pas de cuisine, pas de salle de bain, pas d'eau chaude, pas d'internet.

Je devais y passer une semaine pendant les vacances scolaires afin de poursuivre les travaux de rénovation et profiter d'une semaine de solitude et de vie sauvage, essentielles pour l'inspiration créatrice, une bulle hors du temps et de l'espace quotidien. Ce confinement a contrecarré mes projets de solitude champêtre et j'étais en colère. Il a fallu se résigner. Aujourd'hui, avec le déconfinement annoncé, c'est l'impatience qui me gagne. J'ai hâte de retrouver cette maison et son jardin, l'odeur des fleurs et de l'herbe fraîchement coupée.

J'ai besoin de tondre.

Cette expérience de confinement a-t-elle un impact sur votre démarche artistique ?

Ce confinement n'a pas changé grand chose sur ma démarche artistique. Je me confine régulièrement, tant physiquement que mentalement, pour produire. Il a juste fallu adapter l'organisation de mes projets avec la vie de famille confinée. A Ville-d'Avray, dans l'appartement, je n'ai pas d'atelier ou d'espace dédié dans lequel je peux m'étaler et laisser tout en bazar le temps de la création. Je travaille dans le salon et cette pièce sert aussi à mon fils et à ma femme, tous les jours. J'avais prévu d'attaquer ma troisième sculpture robotique mais cette activité engendre bruits et saletés sur une très longue période. Difficile de vivre correctement au milieu des barres d'aluminium, rouleaux de câbles électriques et autres plastiques fondus. Je me suis donc concentré sur une activité silencieuse et propre, le dessin, et réduit ma surface de travail à la table du salon.

Est-ce que vous pratiquez pendant le confinement ? Si oui, pouvez-vous nous parler de vos nouvelles oeuvres ?

Avec ce temps à disposition, j'ai pu enfin finir une série commencée à Saint-Barthélemy. Une série de 6 toiles, format 100x100 cm à l'acrylique et encre de Chine, 6 plans de capitales “réécrits” dans mon langage  carrés rouges sur fond blanc, mettant en valeur les réseaux de communication et la disposition au sol afin de faire ressortir la structure “cellulaire” de chacune de ces villes.

Je me penche à présent sur une série de 20 dessins à l'encre de Chine, fidèle à mes séries de “Travaux Pratiques”, dont l'une d'entre elles a été réalisée à et sur Saint-Barthélemy.

Il s'agit cette fois d'une période antérieure à mes 5 années St-Barth, où je vivais à Tours, en colocation avec mon frère dans une maison incroyable, propice à la fête et à la création. Un moment de ma vie surréaliste et loufoque où on s'en payait une bonne tranche tous les jours.

Alors, en attendant de tondre, j'ai décidé de rigoler un peu chaque jour en réalisant ces dessins.

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