Comment vivez-vous le confinement ?
Je me trouvais en France au moment de l’annonce du confinement, je n’ai pas pu repartir pour différentes raisons, donc je suis exilée près de Royan, en Charente maritime, loin de St Barth et de ma famille. Ma petite chienne JiJi est avec moi, ce qui m’assure ma dose de câlins, et me permet de sortir deux fois par jour faire une ballade dans la limite du km autorisé. Il y a beaucoup de contrôles de police, et les plages sont interdites, comme le sentier des douaniers qui débute juste en face de mon logement. Je suis en appartement, mais j’ai beaucoup de chance car ma vue est la mer à l’infini. Je sors le moins possible, j’essaie de me faire livrer un maximum. Comme je suis seule, j’ai totalement investi l’appartement, je l’ai transformé en atelier spacieux. Je m’étais procuré du matériel de peinture juste avant le confinement, et l’espace est couvert de tubes, pinceaux, toiles, sans que personne ne me dérange. Pour moi c’est le plus beau décor qui soit.
A mon arrivée, je suis tombée malade, et j’ai bien cru avoir attrapé le virus. Heureusement après une bonne dizaine de jours ça allait beaucoup mieux. Mais je n’ai pas été testée. Ici en Charentes il y a heureusement peu de cas, mais j’ai des amis à Paris et en province qui sont été contaminés, ainsi que deux cousins.
Quel est votre état d’esprit ?
Je suis passée par tous les états : stupeur et incrédulité devant le phénomène incroyable que nous vivons, colère quant à ses conséquences, sensation d’étouffement devant la perte de nos libertés et l’enfermement imposé, peur de mourir quand j'étais malade, anxiété à l'idée d’être seule et pour une durée indéterminée, manque profond de ma famille, vertige devant le vide de mes journées futures... Je suis plutôt hyper active et ne « rien avoir à faire » me terrorisait. J’ai fait un emploi du temps pour combler ce vide : promenades avec le chien, méditation, pilates, musique, lecture, formations en ligne, téléphone aux parent et amis, peinture, tri photos, etc...
Grace à cet « encadrement », j’ai pu me calmer et j'ai commencé à regarder autour et au fond de moi. Au fur et à mesure que mes sens s’aiguisaient, j’ai pu voir la beauté des choses avec sérénité et jouissance. J’ai essayé d’optimiser le temps plutôt qu’attendre qu’il passe. Quand je promène mon chien, je découvre comme jamais la beauté de ce qui m’entoure, je photographie, je poste sur mon Instagram perso, je me délecte de chaque instant. Je me suis mise à peindre, tranquillement, en prenant tout mon temps, sans prendre garde à l’heure, et petit a petit ce temps de peinture a rempli tout mon emploi du temps.
Cette expérience de confinement a-t-elle un impact sur votre démarche artistique ?
Ma démarche artistique est devenue beaucoup plus sereine, évidente, comme si elle coulait de source. Le fait d’avoir tout mon temps me permet d’apprivoiser cette énergie, je ne cherche pas l’inspiration, je laisse venir.
Je me suis aussi procuré un peu de terre, et j’ai envie de tenter quelques sculptures. Tout est permis, j’ai le temps de jouer.
Est-ce que vous pratiquez pendant le confinement ? Si oui, pouvez-vous nous parler de vos nouvelles oeuvres ?
Pour le moment je n’ai peint que deux tableaux, je n’ai jamais peint aussi lentement, avec autant de délectation. J’utilise de l’acrylique et des Posca, sur toile. Les couleurs choisies sont douces et comme je arrive pas à choisir entre le figuratif et l’abstrait, je mélange un peu les deux. Le premier tableau que j'ai réalisé s’inspire de mes enfants qui me manquent beaucoup. Le deuxième est dans la lignée de ma série « ÎLES », mais les couleurs sont différentes, influencées par la mer plus sombre et les couchers de soleils flamboyants de l’Ouest de la France.
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